jeudi 8 décembre 2022

Funérailles traditionnelles et philosophie de la mort chez les Lobis

 Table des matières

Introduction. 2

I.       Présentation du peuple Lobi 3

II.      La conception sur la mort et sur l’au-delà chez les Lobi 8

III.         Les étapes principales du déroulement des funérailles traditionnelles lobis. 9

1.      Les premières funérailles ou Biir. 9

2.      La période de deuil 12

3.      Les secondes funérailles ou Bobuur. 13

Conclusion. 14

 Introduction

Les systèmes socio-politiques traditionnels des sociétés non étatiques ont très peu fait l'objet d’études de la part des historiens qui ont abandonné ce champ aux seuls Anthropologues. Le désintérêt des historiens pour ce domaine de recherche tient selon Magloire SOME au fait que la dynamique historique des institutions politiques précoloniale n'est pas apparente ; ce qui donne l'impression que celles-ci sont statiques. On a ainsi parfois mis en cause le conservatisme de nombreuses sociétés africaines. Depuis la colonisation, les sociétés traditionnelles sont confrontées au phénomène d'acculturation consécutif au choc entre cultures africaines et occidentales. Elles ont dû concéder une adaptation aux nouveaux systèmes politiques issus de la colonisation tout en en conservant le subsrrarurn de leurs institutions ancestrales comme modèle de référence identitaire. Les cultures africaines si elles n’ont pas été assez étudiées car traitées de vétustes, constituent un riche patrimoine pour l’Afrique. En pays Lobi, société sans pouvoir centralisé qui se trouve à cheval entre le sud-Ouest du Burkina, le nord-ouest du Ghana et en Côte d’Ivoire notamment dans la région de Bouna, le phénomène mettant fin à la vie qu’est la mort revêt un sens culturel singulier : Il n’y a jamais de mort sans cause outre la maladie. Tout un ensemble de rites entourent cet événement depuis la maladie jusqu’aux dernières funérailles en passant par les premières et la période de deuil.

Notre étude portera sur les rites funéraires en pays Lobi, un aspect important et distinctif dans la culture de ce peuple surnommé les Indiens de l’Afrique : Le peuple Lobi. Comment les Lobi célèbrent-ils la mort ? Quelle est leur philosophie de la mort et de la vie dans l’au-delà ? Voici des questions essentielles dont les réponses nous aideront à mieux connaître ces femmes et ces hommes du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Ghana appelé le rameau Lobi. Mais avant tout qui sont les Lobis ?

 

I.             Présentation du peuple Lobi

 

Les Lobi ou le rameau Lobi sont un peuple vivant dans trois (3) pays de l’Afrique de l’Ouest : Burkina Faso, Ghana, Côte d’Ivoire.

Les Lobi vivent au Burkina Faso (région Sud-Ouest), au Ghana (nord-ouest) et à la Côte d’Ivoire (région de Bouna, Volta noire).

Selon certaines traditions historiques, les Lobis dont le nom signifie en Lobiri (la langue des Lobi) "Enfants de la Forêt", seraient originaires du nord du Ghana actuel après avoir traversé le fleuve Mouhoun qui revêt d'ailleurs pour ces populations un caractère sacré. Il convient de faire la différence entre le Lobi(le groupe ethnique parlant le Lobiri et qui est une partie du grand groupe) et les Lobis qui constituent un groupe, un rameau.  Les groupes ethniques que compose le rameau Lobi sont les Gans, les Birifor, les Dagara, les Lobi, les Djans, les Pougouli…

L'histoire de la résistance lobi est d'ailleurs très récente puisque tout au long de la période coloniale jusqu'au milieu du XXe siècle les Lobi lancèrent des raids contre les Français et leurs escouades de tirailleurs africains.

Le long de la frontière occidentale du Ghana et sur la moitié est de la frontière ivoirienne, dans l'une des régions les plus défavorisées du pays, plusieurs ethnies apparentées, au passé parfois commun, forment l'une des communautés culturellement les riches du pays. Lobi, Dagara, Gan, Birifor, Pwe et Dan se répartissent ainsi un vaste territoire autour des villes de Gaoua, Loropéni, Batié, Diébougou et Dissen. Principalement présents au Burkina Faso, ils comptent cependant de nombreux villages au Ghana et en Côte d'Ivoire. Il est commun d'appeler "Lobi" cet ensemble d'ethnies sans limiter cette appellation aux Lobi proprement dits.[1]

 

 

Figure 2 Photo à gauche : homme Dagara de Dissen avec des bandeaux traditionnels (photo Christian COSTEAUX)

 

Traditionnellement, les lobi ont rejeté tout type d’autorité politique centralisée. Néanmoins, certains groupes ethniques comme les Djan ont même à ce jour des rois.

Le rameau Lobi est en majorité animiste. Mais les pratiques varient d’une ethnie à une autre à l’intérieur du groupe.

Les Lobis(parlant Lobiri) par exemple ont pour dieu de référence, Thangba yu (le Dieu Suprême), avec ses côtés le Thildar (Thil = esprits de la nature). L’esprit des ancêtres a un grand rôle dans le système religieux du rameau lobi

 

Figure 1 Des statuettes, divinités lobies(Photos du Musée de Gaoua)[2]

 

 

 

 

Une partie du pays Lobi a été aussi christianisé surtout à partir du 20ème siècle avec l’arrivée de missionnaires catholiques à Dissine, Dano et autres grands centres. Les Lobis sont connus comme un peuple guerrier. Considérés comme des fermiers, des chasseurs et des éleveurs, ils sont avant tout des guerriers. C'est cette réputation qui fait l'identité profonde des Lobi. Tout rappelle chez eux que leur histoire s'est faite des résistances contre les raids des tribus voisines du Guiriko et du Kénédougou et des razzias esclavagistes jusqu'au milieu du XIXe siècle : leurs maisons sont des petits fortins impénétrables et l'arc et ses flèches empoisonnées, dont aujourd'hui encore les populations rurales ne se séparent pas, sont l'emblème de leurs talents guerriers.

L’histoire retient que les peuples du Sud-Ouest du Burkina ont infligé d’énormes pertes au colon. Cachés derrière les maisons et les grottes, les Lobis à l’aide des flèches empoisonnées ont tués plusieurs soldats du colon malgré la supériorité des armes de l’adversaire. Mais leur farouche résistance se heurtera à la concession des grands groupes ethniques du Burkina notamment leurs petits-enfants, Les Mossis.   

 

 

 

Figure 2 Photo de guerriers Lobis à l'occasion de la célébration du 11 décembre 2017 à Gaoua, source : Wakatesera, média en ligne

 

Au plan culturel, la musique, les autels et l’art du statuaire des Lobi sont très bien considérés jusqu’à ce jour malgré la modernité. Les lobis sont réputés être beaucoup attachés à leur culture et jusqu’à ce jour, l’initiation est un passage obligatoire pour entrer dans le cercle des hommes ou des femmes.

Figure 3 La cuisine d'une femme Lobi

Le pays lobi regorge de nombreux sites touristiques : Les ruines de Loropéni (inscrites dans patrimoine mondial de l’UNESCO) ; les sanctuaires Gans, les grottes de Diébougou…

L'architecture Lobi est très particulière et se révèle être la plus avancée et la plus belle du Burkina Faso avec bien-sûr celle des Gourounsi Kasséna. Les habitations Lobi sont consituées d'une large concession rectangulaire de type forteresse appelée soukala et dont l'entrée se situe sur la terrasse qui n'est traditionnellement accessible qu'avec une échelle que les familles peuvent retirer pour se défendre des attaques. La terrasse ainsi formée par la construction permet de dormir en plein air durant les nuits les plus chaudes précédent l'hivernage. Une cour intérieure permet de protéger les animaux domestiques et de faire la cuisine.[3]

 

Figure 4 Photo à droite : une construction typique du pays lobi : soukala en rectancle, sans ouverture latérale, avec une large terrasse et des mur en boudin de terre (photo Christian COSTEAUX) .

On reconnait donc facilement les hameaux de cette ethnie. Les strates de banco formées en lignes les différencient en outre particulièrement des formations en "briques". Il faut d'ailleurs noter que les Gan sont la seule communauté du groupe Lobi qui n'ait pas adopté cette architecture (il s'agit plutôt chez eux de cases rondes assez classiques).

 

 

II.           La conception sur la mort et sur l’au-delà chez les Lobi

Les Lobi ont un mythe pour expliquer l’origine de la mort. Quand elle survient, la mort est considérée comme un voyage de l’âme de cette terre vers l’au-delà. L’au-delà est un décalque de cette terre mais tout en positif. Dans l’au-delà, l’harmonie originelle est retrouvée. C’est pourquoi, les habitants de l’au-delà sont vénérés des Lobis en quête d’harmonie à tout point de vue. Chez les Lobis, une personne décédée peut revenir sous forme de bébé pour naitre à nouveau ou se révéler spirituellement à une personne de la famille qui doit la vénérer et lui faire de continuelles sacrifices.

 

 

Figure 5 Image d'illustration sur les consultations divinatoires en pays lobi

Les morts ne sont pas vraiment morts chez les Lobis dans la mesure où on conserve toujours les repas du défunt les jours suivants son décès. Pendant le temps de deuil, la consommation de certains aliments comme les oignons sont prohibés dans la famille du défunt car ceux chasseraient l’âme de la personne décédée qui ne pourra plus retourner dans la famille.

III.         Les étapes principales du déroulement des funérailles traditionnelles lobis

Il convient de rappeler que le rameau Lobi regroupe beaucoup de groupes ethniques avec quelques petites différences dans la façon de célébrer les funérailles. Le groupe ethnique Lobi et Birifor ont des pratiques presque identiques, et la majeure partie de leurs rites se retrouvent chez les autres. Tout décès d'un adulte lobi est suivi de deux grandes funérailles : les premières funérailles ou Biir et les secondes funérailles ou Bobuur. Entre les deux s'écoule le temps de deuil.

La célébration de la mort chez les Lobi est ponctuée de plusieurs cérémonies.

1.    Les premières funérailles ou Biir

 

a)      Rites Préliminaires pour le cas des funérailles d’une personne âgée (60 à 90 ans)

 Cela demande des consultations divinatoires pour savoir s’il faut faire les funérailles ou non.

Au moins deux devins sont consultés pour savoir si les mânes autorisent ou pas les funérailles du défunt. Si la réponse est positive, des funérailles normales, longues sont organisées pour la personne âgée, autrement on se contentera de simples funérailles comme celles de jeunes personnes.  Il faut attendre les résultats des consultations avant d’annoncer le décès.

 

b)     Annonce du décès

Une succession d’actions annonce les funérailles en pays lobi :

- Cris de désolation des femmes pour avertir le voisinage et le village du malheur. Si les cris des femmes sont entendus en premier, cela ne confirme pas forcément le décès car pour le Lobi, les femmes sont émotionnelles peuvent pleurer quand bien-même que la personne n’est pas décédée. Généralement, lorsque la voix du chef de famille se mêle aux cris des femmes, on ne doute plus sur le décès.

- Coups de fusil pour annoncer au lointain le malheur ;

- Pleurs des femmes et des hommes à chaudes larmes dans la maison mortuaire ;

- Jet d’épis de mil, de sorgho, de maïs, et d’autres céréales ;

- Casse de canaris et d’autres ustensiles de cuisine en argile ;

- Déambulation autour de la maison et du cadavre pour exprimer que la famille est en deuil

- Envoi des émissaires dans les villages alliés pour avertir les parents et amis du décès

- Cohue rapide autour des personnes endeuillées

Figure 6 Une femme lobi en pleurs pour avoir perdu un proche

c) Début des funérailles et expressions de douleur

- Installation du défunt dans une chambre ou dans le vestibule de la maison

Figure 7 Exposition d'un corps lobi lors des premières funérailles

 

- Dépôt au pied du défunt des trésors familiaux (mille cauris sacrés)

- Arrivée des balafonistes et autres musiciens

Figure 8 Moments de dance au rythme du balafon

- Premier jeu du balafon avec musique spéciale pour l’homme et pour la femme au début

- Ouverture des funérailles par le ‘‘père’’ du défunt par un jet de 20 cauris symboliques sur le balafon qui interprètera musicalement le geste (don au défunt pour ses dépenses de voyage) - Jet de cauris de la part des participants surtout hommes - les femmes jettent leurs cauris et autres provisions pour le défunt près du cadavre - Suite des pleurs dans un désordre total signe de ce que provoque la mort dans une famille - les fossoyeurs ramollissent le cadavre et l’attachent dans une natte traditionnelle - Premier interrogatoire du défunt par les membres de son patriclan (famille agnatique) - Toilette funèbre en temps opportun - habillement du cadavre de ses plus beaux atours.

Le corps est mis dans une natte traditionnelle et une personne initiée l’interroge sur les causes de sa mort et qui doit prendre en charge les enfants et les ou la femme du défunt.

Figure 9 Moment de consultation du mort

 

d)     Enterrement et fin des premières funérailles

La décision d’enterrement est toujours prise par le ‘‘père’’ des funérailles - Transfert du cadavre pour l’enterrement effectué par les fossoyeurs dans une nouvelle tombe creusée ou dans une ancienne tombe familiale rouverte pour la circonstance (caveau familial) - Pleurs intenses d’adieu, coups de fusil, dispersion de la plupart des participants - Possibilité d’une seconde nuit de veillée funèbre avec jeu de balafon, jet de cauris, danses, animation funèbre même en l’absence du cadavre - rangement des affaires du défunt dans une chambre et installation d’un bâton ou gboo le représentant toujours dans le cercle familial à côté de l’arc et le carquois de l’homme ou de la canne et d’autres effets de la femme.

Les premières funérailles suspendent les activités de la famille et du village. La solidarité dans le deuil est ici très forte. Les funérailles durent deux à trois jours.

Figure 10 Enterrement en pays lobi

 La fin des premières funérailles se caractérisent par le rasage de tête pour les parents proches du défunt en signe de deuil, début du veuvage avec ses marques distinctives (lavage, port de feuilles, de tige de mil, impureté rituelle de la part de la veuve ou du veuf).

2.    La période de deuil

Entre les premières funérailles et les dernières, s’écoule un temps de deuil. Pendant cette période, la famille du défunt doit observer un certain nombre de rites :

-Les veuves/veufs ne se lavent pas et ont des rites à faire

- Consultations diverses des devins pour connaitre les raisons de la mort du défunt et régler tous les blocages possibles au voyage de l’âme du défunt vers le séjour des morts ;

- Sacrifices divers de volailles et d’animaux ;

Pendant le temps de deuil qui sépare les deux funérailles, la famille du defunt doit se préparer matériellement et financièrement les secondes et dernières funérailles :

- Rechercher des animaux et des céréales nécessaires pour la célébration des secondes

Funérailles (germination du sorgho ou du mil pour le dolo).

3.    Les secondes funérailles ou Bobuur

Après tous les réglages religieux et surtout sacrificiels pour permettre le voyage effectif de l’âme du défunt, ont lieu les secondes funérailles ou Bobuur. Elles sont importantes suivant le rang et la considération sociale dont jouit le défunt. Elles sont organisées en fonction des clans et des traditions locales. Elles peuvent être symboliques ou très fastes. Pour  les vieilles personnes défuntes, elles peuvent durer une semaine avec des manifestations qui drainent un grand monde encore dans la maison du disparu. Quelques lamentations rituelles sont entendues les premiers jours. Mais le ton cède vite à la joie et à une ambiance de fête traditionnelle. On regrette bien le départ définitif d’un être cher vers l’autre monde d’où on ne peut plus revenir, mais aussi on fête l’entrée d’un nouvel ambassadeur des hommes dans le monde des ancêtres. Ainsi le premier grand jour des secondes funérailles est appelé Bowiri et consiste à faire des consultations divinatoires et divers sacrifices de réparation pour les fautes du défunt. Il y a ce jour-là des pleurs bruyants. Il y a une sorte de re-jeu des premières funérailles pendant un laps de temps assez raisonnable.

Le deuxième jour ou Bièli-wiri ou Jèvi-wiri, on procède à de nombreux sacrifices pour mettre en route le défunt à qui on dit adieu. C’est après cela que s’ouvrira une véritable ambiance de fête où les orphelins, les veufs et les veuves sont réintégrés dans la vie sociale à travers un grand repas rituel consommé souvent sur la terrasse des maisons lobi. Le troisième jour ou Khîdîgba-wiri, les fossoyeurs sortent de la maison toutes les saletés du défunt et rompent de manière symbolique tout ce qui pourrait retenir dans la maison l’âme du défunt. Ils les conduisent vers l’Est, la route du pays des morts. S’instaure alors une véritable fête familiale et villageoise pour célébrer l’entrée du défunt dans le royaume des morts. Le quatrième jour où Jùkuulbîsa-wiri, une grande danse traditionnelle honorera enfin le défunt pour valoriser ses qualités paysannes, honneurs sensés convaincre les ancêtres pour qu’ils accueillent celui qui frappe maintenant à leur porte. Les réjouissances officielles prennent fin avec ce quatrième grand jour des secondes funérailles.

 Les parents proches resteront dans la maison du défunt pour ranger le matériel et pour régler les questions d’héritage des biens et des charges. Les veufs et les veuves reprennent leur vie sociale normale. Sans relater tous les détails de ces funérailles traditionnelles, nous remarquons une organisation sociale bien définie dans les rites de ce peuple sans écriture mais qui conserve fidèlement depuis des générations des rites immémoriaux. C’est dans ces rites que transparaît une certaine conception de la mort et de la vie dans l’au-delà qui mérite notre attention.[4]

    

 

      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

              

Conclusion

Si le peuple lobi se trouve aujourd’hui à cheval entre le Burkina, le Ghana et la Côte D’Ivoire, cela est en partie dû aux frontières artificielles érigées par le colon. Ce peuple connu pour sa bravoure, sa loyauté et son attachement à sa culture accorde une place importante aux rites funéraires. Notre étude portant sur les funérailles traditionnelles et la philosophie de la mort chez les Lobi nous a permis de comprendre la richesse culturelle de ce peuple. Malgré la menace que subit les cultures traditionnelles africaines sous le prisme de la mondialisation, le peuple lobi a pu jusqu’à ce jour préserver certains aspects de sa culture dont la manière de célébrer les morts. Ce peuple a une conception particulière de la mort et croit fermement que de bonnes funérailles peuvent contribuer à une bonne place dans l’au-déla. Mais jusqu’à quand les cultures traditionnelles africaines résisteront-ils à l’invasion des cultures occidentales ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

Abbé Hervé Sansan POODA, Funérailles traditionnelles et philosophie de la mort chez les Lobi, 17 p ;

Magloire SOME, Le sacré et le système politique traditionnel' des Dagara du Burkina à l'épreuve de la colonisation, Rev. CAMES - Série B, vol. 01, 1999, 16 p.

 

Webographie :

Site internet du musée de Gaoua, https://www.burkinatourism.com/Gaoua-Le-musee-des-civilisations-du-peuple-lobi.html, consulté le 29/03/2022 à 21h

Site web de EENI Global Business School, https://www.hauniversity.org/fr/Lobi.shtml

Site web planète Burkina, https://www.planete-burkina.com/ethnies_burkina_faso.php, consulté le 29/03/2022 à 20h

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Planète Burkina.com consulté le 29/03/2022 à 20h.

[2] Photos prises sur le site du Musée de Gaoua, 29/03/2022 à 21h

[3] Planète Burkina.com, consulté le 29/03/2022 à 21h

[4] Funérailles traditionnelles et philosophie de la mort chez les Lobi, article de POODA Sansan Hervé, page 4

samedi 23 avril 2022

La notion d’Exception culturelle et ses éventuels enjeux sur la culture burkinabè.

 

INTRODUCTION

La culture, ensemble des pratiques et traits caractéristiques d’un peuple donné, est un enjeu majeur pour chaque pays à l’aune de la mondialisation. Pour éviter la perte de l’identité culturelle, des ministères de la culture ont été créés.

C’est sous ce prisme de conflit culturel qu’apparait la notion d’exception culturelle visant à protéger les productions culturelles locales dans un marché mondial caractérisé par une concurrence et dont les potentiels perdants sont les moins développés.

L'objet de la présente recherche est de faire le point sur ce qui est entrepris au double plan national et international pour dynamiser la culture du pays des hommes intègres, d'en déterminer les insuffisances et de proposer des solutions en vue d'insuffler une nouvelle dynamique à ce secteur, qui ne dispose pas encore des financements nécessaires pour atteindre ses objectifs.


1         Définitions de concepts

1.1        Culture

Selon la charte de l’OUA de 1976, « Toute communauté humaine est forcément régie par des règles et des principes fondés sur la tradition, la langue, le mode de vie et de pensée ensemble, de son génie et de sa propre personnalité. »[1].

Cette même charte affine sa définition de la culture en 2006 :  « Toute communauté humaine est forcément régie par des règles et des principes fondés sur la culture, et que la culture doit être perçue comme un ensemble de caractéristiques linguistiques, spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotionnelles de la société ou d’un groupe social qu’elle englobe outre l’art, la littérature, les modes de vie, les manières de vivre ensemble, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances. »[2].

Selon l’entendement de la promotion 2021-2022 de Master 1 à l’IPERMIC, « La culture est l’ensemble des pratiques ou traits caractéristiques d’un peuple donné et qui permet de le distinguer des autres. C’est l’ensemble des manières de vivres (l’habillement, la conception du monde, la littérature, etc.) d’un peuple donné. »[3].

 

1.2        Exception culturelle

 

En sociologie, l'exception culturelle désigne celui qui ne suit pas le schéma de reproduction sociale. Par exemple, un enfant d'ouvrier qui devient professeur est une exception culturelle.

Plusieurs auteurs ont tenté de donner leur compréhension sur la notion d’exception culturelle. Nous retiendrons Christophe GIOLITO pour qui le terme d’exception culturelle d’« exception culturelle » est d’abord employé pour signifier que les produits culturels ne sont pas des biens comme les autres, qu’ils ont vocation à être soustraits, au moins partiellement, aux règles qui s’appliquent aux marchandises soumises aux principes de l’échange libéral.

En droit international et en politique culturelle, l’exception culturelle est un ensemble de dispositions visant à faire de la culture une exception dans les traités internationaux, notamment auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces dispositions ont pour but de spécifier que les États sont souverains et fondés à limiter le libre-échange de la culture sur le marché pour soutenir et promouvoir leurs propres artistes, véhicules et porte-parole de leur culture.

Pour faire simple, et pour résumer, l’exception culturelle correspond à un ensemble de dispositions adoptées pour protéger les productions culturelles des lois du commerce, et pour donner la possibilité aux Etats d’aider leur culture nationale. Elle fait de la culture propre à chaque pays une exception dans les traités internationaux, notamment auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

2         Cadre juridique sur l’exception culturelle au Burkina Faso

L’exception culturelle est un concept qui est apparu sous la mondialisation avec pour but de soustraire la culture du phénomène du libre-échange afin que chaque pays puisse promouvoir et développer sa culture à l’interne.

En pratique pour la mise en place, et en principe pour l'application des dispositions visant à faire de la culture une exception dans les traités internationaux, elles sont soutenues par 31 Coalitions nationales dans les pays suivants : AllemagneArgentineAustralieBelgiqueBéninBrésilBurkina FasoCamerounCanadaChiliColombieCongoCorée du SudCôte d’IvoireÉquateurEspagneFranceGuinéeHongrieIrlandeItalieMaliMarocMexiqueNouvelle-ZélandePérouSénégalSlovaquieSuisseTogoUruguay. En mars 2007, à Montréal, ce sont maintenant 38 coalitions qui ont réaffirmé leur soutien à la diversité culturelle : dotées d'un Comité international de liaison, le CIL-CDD, elles regroupent environ 400 organisations professionnelles de la culture de toutes les régions du monde.

Au Burkina Faso, l’exception culturelle est régie par des décrets ou lois portant sur la protection du patrimoine culturel. En effet, selon cette loi, on entend par patrimoine culturel, l’ensemble des biens culturels, naturels, meubles, immeubles, immatériels, publics ou privés, religieux ou profanes dont la préservation ou la conservation présente un intérêt historique, artistique, scientifique, légendaire ou pittoresque.

2.1        L’adoption d’une politique nationale de la culture

 

Les institutions mises en place dans le cadre de la protection du patrimoine culturel ne peuvent assurer pleinement leurs missions que si leurs actions s’inscrivent dans une stratégie globale de protection et de promotion du secteur de la culture. A ce sujet, la convention de 2005 sur la diversité des expressions culturelles encourage les Etats à « intégrer la culture dans leur politique de développement à tous les niveaux, en vue de créer les conditions propices au développement durable. ». C’est pourquoi au Burkina Faso il a été adopté, par décret n°2005- 353 / PRES/PM/MCAT du 25 Juin 2005, une politique culturelle[4].

Cette politique culturelle a été remplacée par la politique nationale de la culture adoptée en Octobre 2009 et qui couvre la période 2010-2019. Son but est de fonder l’avenir de la nation sur les valeurs et les réalités endogènes en mutation et de prendre en compte les objectifs à moyen de la SCADD (stratégie de la croissance accélérée et de développement durable) qui sont de faire du secteur de la culture un levier pour le développement économique du Burkina Faso. Les sous-secteurs de la SCADD consacré à l’artisanat, aux industries culturelles et touristiques commandent de développer « des infrastructures culturelles et touristiques, ainsi que l’aménagement des sites et zones à vocation culturelle et touristique ». Dans le même sens, l’article 7 de la convention de 2005 stipule que : « Les Etats doivent s’efforcer de créer sur leurs territoires un environnement encourageant les individus et les groupes sociaux : à créer, produire, diffuser et distribuer leurs propres expressions culturelles et à y avoir accès, et à avoir accès aux diverses expressions culturelles provenant de leur territoire ». 

v  Objectifs clefs de la mesure :

La Politique Nationale de la Culture (PNC) a été adoptée en octobre 2009 par le Conseil des Ministres après validation par les acteurs.

Elle vise quatre (04) objectifs stratégiques. Ces objectifs sont déclinés en objectifs spécifiques.

Objectif stratégique 1 : Préserver la diversité culturelle en vue de promouvoir l’inculturation et de consolider la cohésion sociale.

Objectif spécifique 1 : Protéger et valoriser le patrimoine culturel matériel et immatériel (par l’établissement de partenariats efficaces).

Objectif spécifique 2 : Promouvoir les valeurs et les savoir-faire endogènes dans les stratégies de développement.

Objectif spécifique 3 : Développer la recherche dans le domaine de la culture.

Objectif spécifique 4 : Encourager et soutenir les initiatives locales et nationales de promotion culturelle.

Objectif stratégique 2 : Renforcer les capacités institutionnelles du secteur de la culture.

Objectif spécifique 1 : Assurer la déconcentration et la décentralisation de l’action culturelle.

Objectif spécifique 2 : Développer les ressources humaines et le potentiel d’acteurs par la formation professionnelle spécialisée et l’éducation.

Objectif spécifique 3 : Développer les espaces et structures de création et de diffusion culturelles.

Objectif spécifique 4 : Améliorer le dispositif institutionnel et juridique en vue d’assurer une bonne régulation du secteur.

Objectif spécifique 5 : Développer les mécanismes de coordination entre les acteurs du secteur.

Objectif stratégique 3 : Structurer et développer l’économie de la culture.

Objectif spécifique 1 : Développer l’entrepreneuriat culturel et les industries culturelles.

Objectif spécifique 2 : Assurer la protection des produits et des acteurs et lutter contre la fraude et la contrefaçon.

Objectif spécifique 3 : Veiller à la prise en compte de la dimension culturelle dans les autres politiques de développement.

Objectif spécifique 4 : Développer une offre culturelle attractive et diversifiée sur toute l’étendue du territoire national.

Objectif spécifique Renforcer le potentiel économique de la culture.

Objectif stratégique 4 : Renforcer la coopération culturelle et soutenir la diffusion extérieure des produits culturels burkinabè.

Objectif spécifique 1 : Dynamiser la coopération en matière de culture.

Objectif spécifique 2 : Soutenir la diffusion extérieure des produits culturels.

Objectif spécifique 3 : Encourager la création et le développement d’initiatives à vocation internationale.

Le Ministère de la culture et du tourisme est chargé de la mise en œuvre de la Politique nationale de la Culture. Ses objectifs sont fixés par décret n°2007-424/PRES/PM/SGG-CM du 13 juillet
2007. Au sein de ce Ministère, la Direction des études et de la planification est chargée de la coordination et du suivi de la mise en œuvre de la politique culturelle.

 

v  Périmètre de la mesure

Local, Régional, National, International.

 

v  Principale caractéristique de la mesure

Pour renforcer la contribution du secteur culturel au développement social et économique du pays, les principaux défis à relever sont :

La préservation et la protection du patrimoine culturel et de la diversité des expressions culturelles ;

La structuration et le développement d'une économie de la culture créatrice d'emplois et génératrice de revenus ;

La création d'un cadre juridique et institutionnel favorable au développement du secteur notamment la propriété littéraire et artistique et le statut de l'artiste, la réglementation de industries culturelles ;

La prise en compte de la culture dans les stratégies de développement au niveau national et local (collectivités territoriales) ;

Le développement des ressources humaines et la mobilisation des ressources financières pour la mise en œuvre de la politique culturelle ;

La dynamisation de la coopération culturelle bilatérale, multilatérale et décentralisée ;

Le développement de la contribution du secteur à l'éducation citoyenne, à la cohésion sociale et à la paix.

v  Principales conclusions de la mise en œuvre de la mesure

Le Burkina Faso a réalisé en 2012 une étude sur les impacts de la culture qui a permis de faire ressortir la contribution des activités culturelles au développement économique et social du pays.

·         Sur le plan économique

La culture est présente dans tous les secteurs économiques (primaire, secondaire et tertiaire) avec des acteurs qui apportent leurs contributions sous forme de salaires et d'honoraires perçus, d'intérêts et de dividendes versés, d'impôts payés et de devises encaissées.
En 2009, le secteur de la culture a employé directement plus de 164 592 personnes, soit 1,78% des actifs occupés. Sa contribution au PIB pour la même période était de 79 677 millions de FCFA (159 millions dollars US), représentant 2,02% du PIB national. Par ailleurs, les revenus générés par les contrats obtenus par des centaines d'artistes qui prestent à l'extérieur sont importants mais demeurent difficiles à capitaliser.

·         Sur le plan social

La culture constitue le socle du développement social du Burkina Faso. Ce socle bâti pendant des siècles se compose de milliers d'usages, de pratiques et d'expressions culturelles qui établissent les liens sociaux et en assurent la régulation. Le rôle social de la culture s'affirme profondément entre autres à travers :

Sa contribution dans la prévention et la gestion des conflits (parenté à plaisanterie) ;

Son rôle intégrateur dans la construction de la Nation (les valeurs partagées de solidarité ; d'intégrité, de courage, etc.).

L'importance des valeurs traditionnelles dans la promotion du développement durable à travers des initiatives endogènes de protection de l'environnement tels les interdits de coupes abusives de bois, des feux de brousse, de chasse sauvage ;

L'apport des savoirs locaux comme facteurs d'impulsion de développement agricole (la méthode culturale Zaï) ;

L’autonomisation sociale des femmes (importance dans la gestion des unités de transformation et de production artisanales).

Au-delà de ces résultats, l'action culturelle génère des impacts importants sur les aspects suivants :

La protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à travers l'organisation de plusieurs activités et manifestations culturelles dans les différentes filières ;

La bonne gestion de la propriété littéraire et artistique (droit d'auteur et droit voisin) ;

La protection et la promotion des expressions culturelles menacées de disparition.

 

v  Indicateurs utilisés pour déterminer l’impact

Les indicateurs qui ont été pris en compte dans cette étude sont: la contribution du secteur de la culture au PIB national, la contribution du secteur de la culture à la création de l'emploi, la contribution à l'éducation et à la formation (effectifs globaux des mêmes ordres d'enseignement);la contribution du secteur de la culture au commerce extérieur, le niveau de financement du secteur de la culture, l'évolution des droits recouvrés par le Bureau burkinabè du droit d'auteur (BBDA), l'évolution des droits perçus par les artistes, l'évolution de l'exportation des biens culturels, et l'évolution du budget du Ministère en charge de la culture.

 

2.2        L’élaboration de programmes de développement culturel

 

L’Etat burkinabè a favorisé le développement de programme et projets qui concourent à l’essor et à la promotion du secteur de la culture. C’est le cas du programme de protection du patrimoine et des produits artistiques (PPA), du programme d’appui au renforcement des industries culturelles et créatives (ARPIC), qui visent tous les deux, la protection des éléments tangibles et intangibles du patrimoine culturel[5].

 

 

3         Les enjeux de l’exception culturelle pour le Burkina

 

Le concept d’exception culturelle est apparu pour la première fois en France, et dans le débat public français en 1993 en même temps qu’une organisation internationale, le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), accédait à la notoriété médiatique après que sa nature, sinon même son existence, eut été découverte par les professions artistiques et audiovisuelles et nombre de décideurs publics. Jour après jour, au cours de cette période, journaux télévisés et presse écrite avaient mis le GATT à la Une de l’actualité. D’abord grâce au pré-accord de blair-house, suscitant le courroux des agriculteurs. Ensuite, et surtout, en fonction des périls provoqués par cette instance dans le domaine de l’audiovisuel et du cinéma.

C’est pour conjurer ces périls que les organisations professionnelles représentatives et les sociétés d’auteurs ont forgé l’argument en défense de l’exception culturelle dont le retentissement médiatico-politique allait connaître une amplitude d’autant plus forte qu’elle bénéficiait d’une union sacrée de l’ensemble de la classe politique française.[6]

Au Burkina Faso, la richesse du patrimoine culturel et la créativité des acteurs ont conduit à l’émergence de nombreuses activités culturelles modernes qui ont permis le rayonnement du pays sur l’échiquier international.

Ce dynamisme culturel se traduit par la tenue régulière de grandes manifestations telles que le FESPACO (Festival panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou) ; le SIAO (Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou) ; la Semaine Nationale de la Culture) ; le FITMO (Festival International de Théâtre et de Marionnettes de Ouagadougou) ; le FITD (Festival International de Théâtre pour le Développement) ; les NAK (Nuits Atypiques de Koudougou) ; le FESTIMA (festival des masques) ; Jazz à Ouaga ; Ouaga Hip Hop, les FAMA (Faso Music Awards), etc. Ces initiatives sont autant d’opportunités offertes aux créateurs et entrepreneurs culturels pour valoriser les expressions culturelles et développer leurs affaires.

L’entreprise culturelle est en outre devenue un facteur économique non négligeable : selon le rapport de l’étude d’impacts, en 2009, la valeur ajoutée dégagée par les filières culturelles est estimée à environ 80 milliards F CFA soit 2,02% du PIB. La culture génère 164 592 emplois directs représentant 1,78% des actifs occupés. Au plan international, la culture burkinabè se vend bien à travers les exportations de biens culturels qui sont des sources de revenus substantiels pour l’ensemble du pays. En 2011, la valeur de ces exportations était estimée à 13 milliards F CFA, pour les aspects perceptibles.

En plus de son aspect économique, la sphère culturelle revêt une importance capitale dans notre société. L’activité créatrice et la participation active à la vie culturelle favorisent aussi bien la formation de l’identité individuelle que l’expérience de l’appartenance à une communauté de valeurs.

Les enjeux culturels sont donc énormes. Ils sous-entendent cette interaction entre culture et développement, diversité et mondialisation culturelle, le poids des industries cultuelles et leur importance comme vecteurs d’influence et de rayonnement international.

On ne peut parler des enjeux de l’exception culturelle sans évoquer le concept d’ « industrie culturelle » dont Théodor W. Adorno et Max Horkheimer de l’école de Francfort en sont les pères fondateurs. L’industrie culturelle décrit le fonctionnement spécifique des industries dans le domaine de l’audiovisuel, de la musique ou du numérique.[7] Les auteurs ont critiqué l'industrie culturelle, instrument de domination selon eux.

La charge menée contre les médias est en effet lourde : ils leur reprochent de faire du public un “jouet passif”, réduit à opiner, à absorber toute la matière qu’on lui présente. Les médias transformeraient les citoyens en consommateurs abêtis, objectivés, déshumanisés. Le spectateur serait une sorte d’homme générique, comme l’était l’ouvrier aliéné chez Marx, dont l’unité de condition consiste dans le fait qu’il a perdu toute fonction, et même toute capacité critique. Sa conscience devient à l’ère des mass media une machine qui effectuent des « opérations standardisées »

La standardisation est une notion clé pour comprendre le fonctionnement de l’industrie culturelle : dans la mesure où des millions de gens ont désormais accès à l’offre culturelle à travers les médias de masse, le secteur culturel a recours à des modes de productions industriels, ceux d’une production standardisée. En effet, pour satisfaire une telle masse de consommateurs, il faut pouvoir répondre à des millions de besoins, ce qui implique une planification de la production. Non seulement il faut pouvoir fournir suffisamment de produits, ce qui exige que ceux-ci soient faciles à fabriquer, mais il faut également prévoir leur promotion et leur acheminement afin qu’ils couvrent la demande sur tout le territoire concerné. La notion d’industrie culturelle se définit donc principalement par la rationalisation de la production et la planification de sa réception.[8]

Ainsi donc, la puissance médiatique est un impératif. Et de ce fait, le journaliste et tous les acteurs médiatiques restent incontournables. Ils sont des médiateurs entre la culture et les politiques et les populations. Il est donc primordial qu’ils aient des repères professionnels et déontologiques pour diffuser et promouvoir les activités culturelles et artistiques. Surtout soutenir la politique culturelle intégrée dans le programme national en vue de conforter la place de choix qu’occupe le Burkina Faso. Ce même programme doit aussi viser le développement des médias, car ils sont porteurs de l’identité culturelle nationale à l’international.

Cela est d’autant plus criard quand on sait que dans cette globalisation que nous connaissons aujourd’hui, seules les cultures les plus fortes survivent, au détriment des plus faibles. Et nous savons que sur la scène internationale, les cultures africaines sont en mauvaise posture. L’enjeu principal de l’exception culturelle est donc celui de la suivie identitaire.

 

4         La pratique de l’exception culturelle au Burkina Faso

 

Depuis l’indépendance en 1963, les autorités burkinabés ont reconnu le rôle fondamental de la culture. Cette importance est axée sur les processus de développement dans des documents clés, tels que la Politique culturelle nationale mise en place en 2009 et la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable de 2010-2015.

Le défi est de s’assurer que l’intégralité des avantages culturels soit prise en considération et que la culture soit systématiquement reconnue et intégrée en tant que composante essentielle et durable dans les plans de développement nationaux.

Une masse fascinante de nouvelles données sur la culture et le développement. Cela est appliqué par la mise en œuvre des indicateurs UNESCO de la culture pour le développement. Elle apporte également de nouvelles perspectives pour des interventions ciblées et effectives dans le domaine de la culture et du développement au Burkina Faso. De telles données empiriques tombent à point nommé au Burkina Faso lorsque les autorités ont entrepris d'améliorer les indicateurs culturels à des fins politiques par le biais du Programme d’Appui au Renforcement des Politiques et Industries Culturelles (ARPIC), lancé en 2012 avec le soutien de l'Organisation Internationale de la Francophonie.

Les résultats des IUCD indiquent que le Burkina Faso a su se doter de cadres normatif, politique et institutionnel ainsi que de mécanismes de participation de la société civile, qui forment le soubassement à la bonne gouvernance culturelle et la promotion d’un secteur culturel dynamique.

Ainsi, on dénombre plusieurs domaines d'intervention des exceptions culturelles au Burkina tels que l’éducation, le développement, l’audiovisuel, la culture.

 

4.1        Dans le domaine de l’éducation

 

L’exception culturelle est un concept politique qui fait de la culture propre à chaque pays une exception dans les traités internationaux

En effet, les institutions publiques fournissent plusieurs programmes ayant trait à la culture, à la formation technique et professionnelle, ce qui reflète la volonté des autorités publiques d’investir dans l’enseignement culturel au niveau de la formation professionnelle. Cependant, l’enseignement des arts ne figure pas dans les programmes scolaires des jeunes, ce qui peut être en défaveur de la promotion de la participation culturelle et gêner le développement de l’intérêt individuel, les compétences et les opportunités des individus pour poursuivre une carrière professionnelle dans le secteur de la culture.

 

4.2        Dans le domaine du développement

 

Les problématiques de la culture au Burkina Faso : les indicateurs de l'IUCD soulignent le potentiel du secteur de la culture au Burkina Faso, pour le développement économique et le bien-être, tout en mettant en exergue certains obstacles qui l’empêchent d'atteindre son plein potentiel.

Le potentiel économique du secteur de la culture au Burkina Faso est indéniable, et peut devenir un véritable levier de développement. Plus de 170,000 individus, soit près de 2.14% de la population active du Burkina Faso, exercent une profession culturelle. Quoique les contraintes méthodologiques aient empêché l’établissement d’un indicateur central des IUCD sur la contribution du secteur culture pour le PIB, les estimations de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) indiquent que la culture contribue à près de 4% du PIB. Le secteur audiovisuel burkinabé s’avère très dynamique en particulier, de par sa capacité à alimenter la télédiffusion publique de productions télévisées de fictions nationales plus ou moins élevées (27.3%).

 

4.3        Dans le domaine des télécommunications

 

Le secteur des télécommunications est en véritable expansion au Burkina Faso, peu d’individus ont un accès à Internet soit 2.64%, alors qu’il est un véritable vecteur de savoir, de connaissance et de contenu culturel ainsi qu’un catalyseur du développement. 

 

4.4        Dans le domaine de la culture

 

Les fortes inégalités dans la distribution des infrastructures culturelles entre les 13 régions du Burkina Faso, non seulement freinent les opportunités d’accès à la vie culturelle, mais aussi rendent moins avantageux l’accès aux moyens de production, de diffusion et de jouissance culturelles. Une meilleure distribution pourrait faciliter l’accroissement de la consommation domestique de biens et services culturels de la consommation totale des ménages) et améliorer le potentiel du marché de ce secteur. De la même façon, la durabilité du patrimoine naturel et culturel Burkinabé dépend fortement de la capacité de toutes les régions à enregistrer, préserver, et valoriser leur patrimoine matériel et immatériel. Pour assurer la protection et la valorisation de la diversité culturelle au Burkina Faso, le transfert des connaissances et la décentralisation des compétences doivent se poursuivre.

 

5         Analyse des contenus médiatiques

 

Pour promouvoir la culture burkinabè, les médias accordent un certain espace à la culture locale. Cette volonté de promouvoir la culture se manifeste par les émissions télé, les films et documentaires, et les musiques et clips joués à l’antenne. Mais l’on déplore la quasi inexistence de médias à vocation culturelle. Et ceux qui existent sont en ligne (Afriyelba, Afriktilgré, etc.).

 

5.1        La RTB

 

5.1.1        Le programme

 

La radio télédiffusion du Burkina Faso a à son actif des émissions en langue française mais aussi en langue locale telle que : le Mooré, le Dioula et le Fulfudé. L’émission qui intègre ses quatre langues est bien sur le journal télévisé. Une rubrique qui attire notre attention dans le JT en français est « une semaine à » ; celle-ci met en avant une localité d’une des 13 régions, en parlant de ses richesses, des mœurs des populations, etc.

Il existe aussi des émissions en langue française notamment des émissions de divertissements à caractère culturel. Il s’agit principalement de « l’apéro », de « le samandé », « cocktail ».

En plus de cela, il y’a aussi les documentaires culturels qui sont diffusés de temps à autre. En général, ces documentaires font un focus sur une pratique traditionnelle donnée. Exemple : le deuil en pays Lobi.

 Il y’a également des émissions périodiques qui ont vocation de promouvoir les talents locaux : Faso académie, face, etc. Les évènements culturels sont également mis en avant lorsqu’ils sont en cours par exemple le FESCACO, la SNC, les NAK etc.

 

5.1.2        Critique

 

Si la RTB fait des efforts pour une représentativité des différents groupes sociaux vivants au Burkina Faso, on note des efforts restent à faire. Les groupes sociaux dominants tels que les mossi sont plus représentés que leurs grands-parents du sud-ouest, les Lobis. Ce qui crée des frustrations chez certains par exemple, qui refusent de suivre la chaine.

A cela, il convient d’ajouter que certaines émissions de la RTB ne font pas l’unanimité au sein de la population. C’est le cas des feuilletons. Pour exemple, on se rappelle de ce feuilleton diffusé par la chaine qui mettait en scène des homosexuels. Chose que les téléspectateurs ont beaucoup critiqué, car pour eux, cela ne reflète pas les mœurs burkinabè.

5.2        BF1

 

5.2.1        Le programme

 

La télévision BF1, chaine privée burkinabè la plus suivie selon Africascope de Kantar, accorde une place à la promotion de la culture nationale.

Elle a quatre grands journaux télévisés par jour, dont deux en langue nationale mooré et deux en français. Le JT en mooré est appelé « Kibaye Wakato ». Selon une étude menée par Wendkuni Martine Roamba, Kibaye Wakato est majoritairement suivi par les non instruis, soit plus de 60% des téléspectateurs de l’émission, qui cherchent à s’informer de ce qui se passe autour d’eux.

Pour les éléments d’ordre culturel nous avons pu relever dans le programme de la télévision BF1 trois grands groupes : les émissions, les plages musicales et clips vidéo, les feuilletons et les documentaires. En moyenne, 7,58h sont des programmes liés à la culture par jour. Ce qui témoigne que la télévision accorde une place importante aux faits culturels. Au plan national, la production locale est promue dans les instances musicales telles que : musique d’ouverture (une fois par jour), short List (6 fois par jour), tonus matinal (une fois par jour), clip à la une (deux fois par jour), feuilletons (2 fois par jour), documentaires (une fois par jour).

 

5.2.2        Critiques

 

Les feuilletons sont en général d’origine asiatique ou espagnol mais, il arrive que la télévision diffuse lors des horaires réservés aux feuilletons des films faits au Burkina Faso. Pour les émissions faisant la promotion de la culture burkinabè nous avons : D WUM NEERE (émission portant sur l’actualité nationale en langue Mooré) ; REEM WAKATO (émission en langue nationale mooré diffusée vendredi et samedi où on accueille des artistes locaux qui peuvent faire la promotion de leurs œuvres).

On constate quand même dans le programme BF1 des émissions porteuses d’idéologie étrangère. Nous avons par exemple les feuilletons Indiens et espagnols. Il diffuse aussi de la musique étrangère.

On constate aussi que les émissions locales sur BF1 sont essentiellement en mooré alors qu’on compte plus d’une soixantaine de langue.

5.3        Internet

 

5.3.1        Pratique

 

Du fait de son ouverture au monde et de son omniprésence dans cette ère du numérique, internet constitue le 6ème média à ne pas négliger. A travers elle, les médias traditionnels (affiche, presse écrite radio, cinéma, télé, et presse en ligne) voient leur puissance décupler. Par exemple, les chaines de télévision, les radios et les presses écrites ont des pages sur les réseaux sociaux, ainsi que des sites web. Cela développe le multi média. Il y a aussi des médias exclusivement en ligne, notamment Lefaso.net, qui est la première et la plus suivie dans le domaine.

Mais en plus, Internet a un caractère non négligeable : c’est un média à travers lequel professionnels et lambda peuvent être des acteurs influents. Si nous prenons Facebook par exemple, il existe des pages (L’EmergenceCulturelle, EVENEMENTS CULTURELS DE LA DIASPORA BURKINABE, etc.) et des groupes (Fierté burkinabè, Burkinabè d’ici et d’ailleurs, etc.) qui font la promotion de la culture burkinabè. Les artistes burkinabè sont également présents sur la toile, à travers leurs pages officielles (Facebook, YouTube, Instagram, etc.), qui leurs permettent de faire la promotion de leurs productions.

 

5.3.2        Critiques

 

L’un des enjeux sera de rendre Internet le plus accessible possible aux populations et aux institutions, à travers par exemple l’accessibilité à la connexion internet. Ce qui n’est pas encore un acquis, quand on connait le coût de cette connexion au Burkina Faso. Par ailleurs, elle ne couvre pas toutes les zones du pays, et sa qualité n’est la même partout.

C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles la culture burkinabè n’arrive pas à s’imposer sur la toile, et est noyée par celle occidentale. Les médias occidentaux sont en effet très puissants et présents sur Internet, et parmi leurs abonnés figurent les internautes africains.

Les plateformes digitales ne prennent pas en compte les particularités culturelles des pays en voie de développement. C’est le cas de la parenté à plaisanterie au Burkina où des personnes sont censurées pour avoir insulté leurs parents à plaisanterie sur Facebook. Les traductions sur ces plateformes ne prennent pas non plus en compte les langues locales.

 

CONCLUSION

 

Le Burkina Faso est un pays à fort potentiel culturel. Pour préserver cette culture, il faut la promouvoir. Des politiques nationales sont mises en œuvre pour cela. Mais la répercuté de cette culture reste faible au plan international.

Or, le pays dispose d’un certains nombres de moyens de sauvegarder sa culture. L’un de ces moyens reste les médias, considérés comme le quatrième pouvoir. Ces outils sont d’autant plus puissants à l’ère du numérique ou le monde va deux fois plus vite. Il s’avère donc impératif que les médias nationaux soient encore plus puissants sur la scène internationale.

Par ailleurs, un certain nombre d'ambassades sont chargées de représenter Le Burkina Faso à l'extérieur. Par leur truchement, une diplomatie culturelle pertinente et ambitieuse pourrait être élaborée pour contribuer au rayonnement international de la culture burkinabè.

En sommes, nous retiendrons que les IUCD encouragent la prise en compte de la culture comme facteur de développement à travers la cohésion sociale. Au Burkina Faso, une attention toute particulière doit être accordée aux faibles niveaux de confiance interpersonnelle (14.7%), et d’autonomie de Burkinabés (5.38/10).  En effet, la confiance accordée aux pairs et le sentiment de pouvoir choisir l’orientation de sa vie apparaissent à des niveaux bien inférieurs à celui de la tolérance à l’égard des individus d’origines et de cultures différentes (88.7%). Concernant l’égalité des genres, indispensable au développement, les indicateurs suggèrent que les efforts des autorités publiques doivent être renforcés pour résorber les écarts constatés entre les femmes et les homes (0.55/1), mais surtout pour promouvoir plus de perceptions positives sur l’égalité des genres (46%).

 

 Lucien KAMBOU, journaliste et étudiant en Sciences de l'information et de la Communication 

BIBLIOGRAPHIE

 

v  Ouvrages généraux

Cours de Cultures traditionnelles et mondialisation.

L’exception-culturelle.pdf (philosophieculturegenerale.fr)

v  Mémoires

NIANGAO Bély Herman Abdoul-Karim, Les instruments juridiques internationaux de protection du patrimoine culturel : Etude et analyse de leur mise en œuvre au Burkina Faso, Mémoire de fin de cycle, 2015.

 

WEBOGRAPHIE

 

Aux origines de l'exception culturelle | Cairn.info , consulté le 11 avril 2022 à 18 h 28 mn.

L'industrie culturelle : la culture contre elle-même (lvsl.fr) , consulté le 12 avril 2022 à 11 h 35 mn.

Politique Nationale de la Culture du Burkina Faso | Diversité des expressions culturelles (unesco.org) consulté le 11/4/2022 à 15h12mn.

Retour sur l'industrie culturelle | Cairn.info , consulté le 12 avril 2022 à 11h 25 mn.

 



[1] Confère cours de Cultures traditionnelles et mondialisation.

[2] Confère cours de Cultures traditionnelles et mondialisation.

[3] Confère cours de Cultures traditionnelles et mondialisation.

[4] NIANGAO Bély Herman Abdoul-Karim, Les instruments juridiques internationaux de protection du patrimoine culturel : Etude et analyse de leur mise en œuvre au Burkina Faso, Mémoire de fin de cycle, 2015.

[5] NIANGAO Bély Herman Abdoul-Karim, Les instruments juridiques internationaux de protection du patrimoine culturel : Etude et analyse de leur mise en œuvre au Burkina Faso, Mémoire de fin de cycle, 2015.

[6] Aux origines de l'exception culturelle | Cairn.info , consulté le 11 avril 2022 à 18 h 28 mn.

[7] Retour sur l'industrie culturelle | Cairn.info , consulté le 12 avril 2022 à 11h 25 mn.

[8] L'industrie culturelle : la culture contre elle-même (lvsl.fr) , consulté le 12 avril 2022 à 11 h 35 mn.